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Le permis de conduire !

Est-ce

vraiment

possible ?

et si oui

La conduite c’est :

_ faire plusieurs tâches en même temps : passer les vitesses pendant qu’on oriente correctement le volant (travail coordonné sur le levier de vitesse, les pédales et le volant)

_focaliser son attention sur la circulation et diriger sa vue : regarder loin devant soi, mais être capable en même temps de repérer un piéton imprudent qui traverse alors que le feu est au vert , qui descend sur la chaussée etc

_prévoir (anticiper) les trajectoires des autres conducteurs, un fort ralentissement, surveiller leurs feux stop mais être capable de repérer qu’ils ne fonctionnent pas pour instaurer une distance raisonnable etc

_avoir une bonne analyse visuelle de son environnement : tracés sur la chaussée, configuration des voies de circulation, signalisation fixe et lumineuse

_apprécier correctement sa vitesse par rapport à celle des autres conducteurs...

En synthèse, il faut traiter une multitude d’informations tout en adaptant sa conduite aux conditions de la chaussée, à sa destination et aux évènements imprévus.

C’est ainsi que TDAH et Asperger sont également considérés comme étant incapables de conduire correctement et sont supposés être de vrais dangers au volant. Car le temps de réaction d’un TDAH et celui d’un Asperger bien que pour des raisons différentes a de fortes « chances » d’être ralenti. L’un comme l’autre risque d’avoir une mauvaise appréciation de la situation (défaut d’attention, et prise de décision inadaptée à la situation)

 

Une telle analyse, bien qu’elle soit très logique, reste théorique et il convient d’examiner comment cela se passe en réalité.

Les jeux vidéo qui demandent rapidité de réaction sont une grande spécialité des TDAH comme des Aspies. A ce « jeu là » ils peuvent même être redoutables. Alors que rien ne paraît capter l’attention d’un hyper, celui-ci est capable de rester « fixé » sur le jeu et qui plus est pendant des heures.  Quant à notre aspie, il est parfaitement capable malgré son manque de motricité fine de travailler sa manette de façon experte.

Pourtant, rien ne les destine ni l’un ni l’autre à arriver à ce niveau d’expertise…

Quand mon fils a reçu sa première console de jeux, il avait trois ans. Au début, je m’y suis mise avec lui pour l’aider à s’en servir. Trois mois plus tard, je commençais à être « larguée ». Il y passait des heures et faisait avancer « Mario »  debout en sautant sur place.

Et contrairement à toutes les recommandations dont on a abreuvé les parents sur les risques de laisser son enfant jouer trop longtemps. Je l’ai laissé faire. Imaginez-vous qu’avant il courait en tous sens, regardait à peine où il allait : une vraie tornade. Après, il réussissait à se tenir au même endroit et avait enfin trouvé matière à poursuivre la même activité.

Pourquoi est-ce que je parle de cette expérience ? Parce qu’à mon avis les fonctions mobilisées dans les jeux video, le sont également dans la conduite :

des automatismes, un personnage qui se déplace et que l’on actionne, une évolution régulière et continue dans un environnement virtuel dans lequel nombre de dangers guettent « Mario ». L’asperger aime terminer ce qu’il fait. Notre Hyper/Aspie voudra à tout prix arriver au bout des étapes de son jeu. Pour le TDAH le changement évite l’ennui et lui permet de se focaliser sur le jeu. En résumé, le jeu video peut démontrer à notre Aspie/TDAH qu’il peut réussir aussi bien et même mieux que personne.

C’est un fait, qu’il y a une différence d’échelle entre le jeu vidéo et la conduite. Certes ce ne sera pas facile mais ce n’est pas impossible non plus pour beaucoup d’entre eux.

Comment faire

Il faut avoir en tête une chose : à l’âge adulte, l’hyper qui a eu la chance d’être diagnostiqué et correctement éduqué a appris à effectuer un certain contrôle de soi. Ses capacités en ce domaine risquent donc de s’améliorer à l’âge adulte. L’asperger évolue d’année en année pour peu qu’on lui en laisse la possibilité. Il y a un âge où il sera en capacité d’apprendre à conduire. Lequel ? Il n’y a pas de réponse à cette question. Tout dépend des personnes. Il faut cependant s’attendre à ce que ce soit plus tard que pour les autres jeunes. Mon fils a eu son permis à 21 ans. Pour lui, c’était le bon moment. Pour d’autres ce sera plus tard ou plus tôt.

En tout état de cause, la conduite est une activité dangereuse et il vaut mieux que notre jeune ait son permis plus tard mais qu’il soit en mesure d’éviter des accidents.

L’apprentissage de la conduite a duré pour mon fiston trois ans et demi. Pendant cette période, il passait par des moments de découragement pendant lesquels je lui répétais systématiquement qu’il aurait son permis et que la seule question à laquelle je ne pouvais lui répondre était : quand ?

Les aspergers ont des difficultés avec la conduite mais pas ou peu avec l’obtention du code. Mon hyperaspie a eu du mal à avoir son code : il l’a passé cinq fois ! Pourquoi ? Parce que son impulsivité le conduisait à appuyer trop tôt sur le boitier…pour s’apercevoir trop tard qu’il s’était trompé. Il a eu la conduite au deuxième essai.

Quelle méthode utiliser pour l’obtention du code (à part bien sûr, se rendre aussi souvent que possible aux cours) ?

Je l’aidais à s’entraîner à la maison. C’est ce qui m’a permis de constater qu’il n’utilisait pas correctement le temps qui lui était imparti. Ainsi, son repérage visuel était excellent (caractéristique des aspies) mais sa compréhension de la question demandait plus de temps. Je lui ai donc proposé d’organiser différemment le temps disponible. Dans la mesure où il n’avait besoin que d’une fraction de seconde pour analyser la vue, je lui ai dit qu’il fallait qu’il utilise essentiellement le temps à réfléchir à la réponse et au nombre de cases qu’il devait cocher. J’ai insisté sur le fait que la réponse trouvée, il devait la vérifier avant de la valider, une chose qu’il faisait difficilement (impulsivité du TDAH).

C’est la mise en œuvre de cette procédure qui lui a permis de réussir le code. Quand on connaît les effets de l’impulsivité du TDAH, on comprend qu’il lui ait fallu 5 séances avant qu’il arrive à contrôler sa façon de répondre aux questions.

Quelle méthode pour la conduite (mis à part les leçons bien entendu) ?

Dans une auto école, il ne faut pas hésiter à avoir ses préférences et choisir son moniteur. Car tous n’ont pas la manière. Mon fils en a eu plusieurs mais au final, c’est une monitrice qui a su le mieux s’en occuper.

Il a fallu lui faire surmonter la peur que la conduite suscitait. C’est ainsi qu’au début de son apprentissage, nous nous sommes retrouvés tous les dimanches matin sur le parking d’un grand supermarché.

Nous n’étions pas les seuls à faire le même exercice. Tout en surveillant de près ce que faisaient les autres véhicules, je l’ai poussé à passer les vitesses et à accélérer.

Après sa première tentative pour avoir la conduite, je lui ai fait faire la conduite adaptée soit 1000 km à faire avant de représenter la conduite. Il en a fait 3000. Plusieurs fois par semaine le soir, et le week end nous partions tous les deux en vadrouille. Au début, il conduisait très mal et je dois reconnaître que je n’étais pas rassurée. Lui non plus car il savait que je ne pouvais pas rattraper ses erreurs. Il était donc inquiet et cela se ressentait sur sa façon de conduire. Je choisissais avec soin les trajets et les parkings pour les stationnements. Nous avons compliqué les trajets au fur et à mesure. Les premiers 1000 km ont été les plus difficiles. Puis je lui ai proposé de circuler dans la grande ville voisine, d’abord le week end puis en semaine. A la fin, il a pris une route très sinueuse et réputée pour sa dangerosité.

Mais nous sommes passés par des moments particuliers. Au début qu’il faisait la conduite adaptée, il m’est arrivée un jour de me mettre devant la voiture pour l’empêcher de passer entre deux véhicules en stationnement tellement proches qu’il ne pouvait le faire sans risque. Ce jour là il avait décidé qu’il ne reculerait pas. Mais il a fini par y renoncer en voyant que je ne partais pas et qu’il risquait de me blesser. Le jeu en valait la chandelle. Il avait définitivement intégré la prise en compte du gabarit du véhicule et de l’espace minimum disponible pour le déplacer en sécurité. Il a intégré la nécessité d’anticiper toutes ses décisions.

Pendant nos sorties, j’analysais à haute voix ce qui se passait sur la route, chose qu’aucun moniteur ne fait. Ainsi, il m’entendait dire : « le véhicule en face va tourner droite » (bien entendu sans clignotant) ou encore « tu vas être obligé de t’arrêter, lève le pied de l’accélérateur, parce que j’avais repéré un piéton décidé à traverser devant les véhicules qui le précédaient » etc . C’est ainsi qu’il a amélioré sa stratégie de conduite. Bien entendu, j’ai fini par m’entendre dire qu’il avait compris et que ce n’était plus la peine que je répète. Puis j’ai demandé à l’autoécole de lui donner des leçons pour lui faire acquérir de la vitesse sur l’autoroute. Impossible pour moi de supporter qu’il dépasse 80 km/h. A l’issue de ces leçons supplémentaires, il obtint son permis.

Depuis il conduit régulièrement. Il me dit qu’il ne se voit pas conduire d’affilée plus de deux heures. Ce qui est amplement suffisant pour tous ses déplacements. Il est rassuré au volant de son véhicule facile à conduire. Pour la conduite longue distance, j’envisage d’en faire l’expérience avec lui en nous relayant à tour de rôle.

Le permis de conduire lui a permis d’être beaucoup plus autonome dans sa vie. Il lui a démontré qu’il avait des capacités et lui a donné confiance en lui. Il l’a fait gagner en maturité car il est parfaitement conscient que cet instrument de liberté peut se révéler mortel. Sa monitrice l’avait constaté, il est sérieux et peu enclin à faire des imprudences ; il a dépassé la période probatoire de trois ans et a appris à prendre soin de son véhicule (révisions, pressions des pneus etc).

 

Est-ce que mon fils y aurait passé moins de temps en commençant plus tard ? Peut-être. Au départ, il a pris des leçons de conduite sans avoir la moindre idée de l’intérêt que cela allait représenter pour lui. En tout état de cause, il aura appris une chose. Peu importe le temps qu’il y a mis, l’essentiel c’est qu’aujourd’hui il dispose d’une mobilité qui lui apporte un atout supplémentaire dans sa recherche d’emploi, lui permet de se rendre régulièrement dans son club de sport situé dans la commune voisine, de faire ses démarches, de se distraire etc. Depuis qu’il a son permis, il n’a jamais vu le temps passer aussi vite. Pour le motiver, je lui avais expliqué à quel point j’avais apprécié lorsque j’étais jeune d’avoir l’indépendance que procure le permis de conduire. Je n’avais rien oublié de mes sensations à l’époque. Et il a éprouvé les mêmes à son tour.

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